La civilisation du poisson rouge

Auteur : Bruno Patino

Editeur : Grasset

Résumé : 

«  Le poisson rouge tourne dans son bocal. Il semble redécouvrir le monde à chaque tour. Les ingénieurs de Google ont réussi à calculer la durée maximale de son attention  : 8 secondes. Ces mêmes ingénieurs ont évalué la durée d’attention de la génération des millenials, celle qui a grandi avec les écrans connectés  : 9 secondes. Nous sommes devenus des poissons rouges, enfermés dans le bocal de nos écrans, soumis au manège de nos alertes et de nos messages instantanés.
Une étude du Journal of Social and Clinical Psychology évalue à 30 minutes le temps maximum d’exposition aux réseaux sociaux et aux écrans d’Internet au-delà duquel apparaît une menace pour la santé mentale. D’après cette étude, mon cas est désespéré, tant ma pratique quotidienne est celle d’une dépendance aux signaux qui encombrent l’écran de mon téléphone. Nous sommes tous sur le chemin de l’addiction  : enfants, jeunes, adultes.
Pour ceux qui ont cru à l’utopie numérique, dont je fais partie, le temps des regrets est arrivé. Ainsi de Tim Berners Lee, «  l’inventeur  » du web, qui essaie de désormais de créer un contre-Internet pour annihiler sa création première. L’utopie, pourtant, était belle, qui rassemblait, en une communion identique, adeptes de Teilhard de Chardin ou libertaires californiens sous acide.
La servitude numérique est le modèle qu’ont construit les nouveaux empires, sans l’avoir prévu, mais avec une détermination implacable.  Au cœur du réacteur, nul déterminisme technologique, mais un projet qui traduit la mutation d’un nouveau capitaliste  : l’économie de l’attention. Il s’agit d’augmenter la productivité du temps pour en extraire encore plus de valeur. Après avoir réduit l’espace, il s’agit d’étendre le temps tout en le comprimant, et de créer un instantané infini. L’accélération générale a remplacé l’habitude par l’attention, et la satisfaction par l’addiction.  Et les algorithmes sont aujourd’hui les machines-outils de cette économie…
Cette économie de l’attention détruit, peu à peu, nos repères. Notre rapport aux médias, à l’espace public, au savoir, à la vérité, à l’information, rien n’échappe à l’économie de l’attention qui préfère les réflexes à la réflexion et les passions à la raison. Les lumières philosophiques s’éteignent au profit des signaux numériques. Le marché de l’attention, c’est la société de la fatigue.
Les regrets, toutefois, ne servent à rien. Le temps du combat est arrivé, non pas pour rejeter la civilisation numérique, mais pour en transformer la nature économique et en faire un projet qui abandonne le cauchemar transhumaniste pour retrouver l’idéal humain…  »

L’auteur:

Bruno Patino est un journaliste et dirigeant de presse français. Il a travaillé dans plusieurs médias: livre, presse quotidienne, presse magazine, radio, télévision et internet. Directeur éditorial d’Arte France depuis 2015, aprés avoir été directeur de la station de radio France Culture et de l’Ecole de journalisme de l’institut d’études politiques de Paris, chargé du numérique à France Télévisions, il devient président du directoire d’Arte France.


Extrait : 

« Une nouvelle sagesse, un nouvel apprentissage de la liberté se profile. La fracture numérique existe encore, bien sûr. L’inégalité qui vient est tout autre, cependant: il s’agira d’avoir non plus accès à la connexion, mais à la déconnexion. Accès non pas à la musique mais au silence, non à la conversation mais à la méditation, non à l’information immédiate mais à la réflexion déployée. Les séminaires de désintoxication technologique se multiplient. Les retraites spirituelles dans les monastères ont changé de nature : il fallait échapper au monde pour trouver Dieu, il faut désormais échapper aux stimuli électroniques pour simplement se retrouver. être coupé des réseaux pour, enfin, être à nouveau au monde. Mais l’enjeu n’est pas de disparaître, ni de refuser les extraordinaires potentialités de la société numérique. Il nous faut simplement comprendre que la liberté s’exerce dans la maîtrise. Et que cette maîtrise nécessite moins une ascèse qu’une simple modération. Des règles personnelles simples à édicter et difficiles à mettre en application, et des fonctionnalités difficiles à imposer et faciles à utiliser »

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